Cannabis récréatif, une majorité relative de professionnels favorables à une autorisation encadré
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Paris, le mercredi 7 avril 2021 – Par différentes voix, le gouvernement a répété qu’il n’envisageait pas de modifications de la réglementation sur le cannabis en France, au-delà des aménagements qui ont déjà été mis en place, notamment la contraventionnalisation de l’usage du cannabis et d’une expérimentation du cannabis thérapeutique qui a récemment débuté.
Un mouvement transpartisan en faveur d’une évolution significative du cadre légal
Cependant, les pouvoirs publics sont pressés de toute part d’engager une réflexion plus large. Ainsi, le maire LR de Reims, Arnaud Robinet, vient-il de proposer d’expérimenter la légalisation encadrée du cannabis. Surtout, une consultation citoyenne sur la légalisation de l’usage récréatif du cannabis a été organisée par la mission d’information commune sur la réglementation et l’impact des différents usages du cannabis de l’Assemblée nationale. Les participants étaient invités à donner leur préférence entre quatre options concernant le statut juridique de la consommation récréative de cannabis en France : la dépénalisation, l’autorisation encadrée, le maintien de la législation actuelle ou le renforcement des sanctions. Les résultats de cette consultation tendent vers un véritable « plébiscite » en faveur de l’autorisation encadrée avec 80,8 % de personnes favorables à une telle orientation, quand 13,8 % indiquent préférer une suppression des sanctions pénales, tandis que 4,6 % attendent un renforcement des sanctions et 0,8 % souhaitent un maintien du cadre actuel.
Des résultats biaisés mais néanmoins riches d’enseignement
Il est très probable que les conclusions de cette consultation souffrent d’un important biais de sélection des participants, les partisans d’une dépénalisation ayant certainement été plus enclins à participer à l’enquête *. Cependant, ces données mettent probablement en évidence un discrédit total pour la réglementation actuelle, qui semble unanimement considérée comme incapable de répondre aux enjeux de santé publique et de sécurité. Elles signalent également que l’encadrement de la production et de la consommation est de plus en plus perçu comme un modèle socialement acceptable.
Des professionnels de santé historiquement hostiles à une dépénalisation
Qu’en est-il chez les professionnels de santé qui ont le plus souvent exprimé leurs réticences vis-à-vis d’une banalisation de la consommation de cannabis compte tenu des dangers réels de ce produit sur la santé psychique et physique, en particulier des adolescents (mais également des adultes) ? On se souvient (peut-être) qu’un sondage réalisé sur le JIM en 2016 révélait que seuls 39 % des professionnels étaient favorables à la dépénalisation de la consommation de cannabis, quand 57 % s’y déclaraient opposés.
Ces résultats étaient très proches de ceux d’un sondage réalisé par Odoxa pour France Inter et le Figaro à la même période qui signalait que six Français sur dix étaient opposés à la dépénalisation du cannabis.
Près d’un professionnel sur deux tenté par l’autorisation encadrée
Si les résultats de la consultation de l’Assemblée nationale pourraient suggérer une évolution de la position des Français (même si une fois encore il existe un biais de sélection plus fort que dans le cadre d’une enquête réalisée par téléphone sur un échantillon représentatif par un institut de sondage), les professionnels de santé suivent-ils la même tendance ?
La consultation réalisée par le JIM dans exactement les mêmes termes que l’Assemblée nationale semble permettre de répondre par l’affirmative. En effet, 45 % des professionnels de santé ayant répondu se déclarent favorables à l’autorisation encadrée de la consommation et de la production, soit l’option qui recueille la plus large adhésion.
Cependant, une différence majeure s’observe entre les professionnels de santé et les Français ayant participé à la consultation de l’Assemblée nationale : 24 % de nos lecteurs souhaitent un renforcement des sanctions. Pour ces derniers il semblerait donc que ce serait le laxisme qui entraînerait les records de consommation français. On note encore que la dépénalisation séduit 12 % des lecteurs du JIM, quand 15 % plaident pour le maintien de la législation actuelle.
Une conscience aiguë des risques qui n’empêche pas d’envisager la pertinence d’une autorisation
Les résultats de notre sondage semblent confirmer que les conclusions de la consultation citoyenne sont probablement décalées par rapport à l’état réel de l’opinion sur le sujet. Néanmoins, ils confirment également la progression de l’adhésion à une réglementation encadrée qui pourrait peut-être permettre, plus efficacement que la situation actuelle ou un renforcement des sanctions, de répondre aux différents enjeux de santé publique et de sécurité. Notre enquête confirme par ailleurs l’existence d’un écart entre la population générale et les professionnels de santé vis-à-vis de la pertinence du renforcement des sanctions pénales, qui s’explique sans doute par une conscience plus aiguë des risques associés à la consommation de cannabis. Néanmoins, il semble que les professionnels de santé se détachent de la perception des Académies de médecine et de pharmacie qui voient dans les résultats de la consultation de l’Assemblée nationale un « choix politique en conflit évident avec la santé publique ». A l’évidence, un grand nombre de professionnels de santé ne considèrent pas qu’une autorisation encadrée soit nécessairement incompatible avec la préservation de la santé publique, voire pourrait au contraire davantage la servir.
Rejet de l’état actuel de la réglementation
Il faut dire que les écueils de la réglementation actuelle, tant en ce qui concerne le déploiement d’une politique de prévention efficace, une régulation de la qualité des produits que la lutte efficace contre les trafics aiguisent nécessairement les désirs de changement. On note d’ailleurs que tant auprès des citoyens qu’auprès des professionnels de santé, le renforcement des sanctions trouve encore plus de partisans que le maintien du cadre actuel. Enfin, il faudrait pouvoir déterminer dans quelle mesure le mouvement qui s’observe dans un très grand nombre de pays occidentaux, notamment aux Etats-Unis, en faveur d’une libéralisation, ne concourt pas largement à l’évolution de la position de tous et en particulier des professionnels de santé.
Les tristes précédents du tabac et de l’alcool
Reste au-delà des résultats de ces différentes consultations à définir quel cadre pourrait s’imposer pour garantir une situation qui ne soit pas marquée par une explosion de la consommation mais au contraire par une régulation réellement efficace. A cet égard, les exemples du tabac et de l’alcool, en ce qui concerne par exemple le respect plus que relatif des interdictions de vente aux mineurs, ne peuvent que susciter une forte réserve si des dispositions similaires devaient être prises vis-à-vis du cannabis.
*Certains de nos lecteurs ne manqueront pas de nous faire remarquer qu’un biais de sélection similaire pourrait également entacher la représentativité de notre sondage. Mais compte tenu du pourcentage élevé de répondeurs par rapport à la population ciblée et des nuances dans les réponses obtenues un tel biais parait moins probable.
Aurélie Haroche
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